jeudi 9 octobre 2008

Me, Mon & Morgentaler

Une lettre aux journaux écrite au début de juillet 2008, après l'annonce de la remise de l'Ordre du Canada au Dr Henry Morgentaler et en réponse à l'hystérie de la droite religieuse. Aucun journal ne l'a publiée. La voici donc dans son intégralité, au lendemain de la remise de la médaille à celui qui a fait en sorte que les femmes puissent être traités dignement et n'aient plus à mettre leur vie en péril inutilement. Un bon mot pour la Gouverneure générale, qui n'a pas fléchi devant le tollé et les renvois de médailles, notamment celle de Jean-Claude Turcotte, l'archevêque de Montréal, qui, par conviction, ne pouvait accepter de faire partie du même club sélect que Morgentaler. C'est ce même Mgr Turcotte qui, à peu près au même moment, a accordé une bourse d'étude de 20 000 $ à l’abbé Philippe de Maupeou, condamné à six mois de prison (avec sursis!) pour avoir agressé sexuellement une petite fille de 8 ans, en 2002, pour qu'il puisse entreprendre des études en droit canonique. C'est vrai que c'est toujours commode d'avoir un « avocat » sur sa liste de paie! (Que de mauvaise foi...)

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Morgentaler et les donneurs de leçons

La remise de l’Ordre du Canada au docteur Henry Morgentaler fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis le début du mois. Le courrier des lecteurs des grands quotidiens, les tribunes téléphoniques et les bulletins de nouvelles radiophoniques et télévisés nous rapportent sans relâche les réactions épidermiques de nombre de nos concitoyens.

Je m’étais bien promis de ne pas prendre position sur le sujet, préférant laisser aux femmes le soin de le faire, mais devant la déferlante d’appels à la morale, les risibles renvois de médailles de l’Ordre du Canada à Rideau Hall et la levée de boucliers du très puissant lobby de la droite religieuse, je ne peux pas faire autrement que d’opposer ma voix à celle de tous les bigots qui nous rebattent les oreilles avec leurs discours rétrogrades et hypocrites et qui profitent de toutes les occasions pour faire avancer la cause conservatrice.

Doit-on s’étonner du fait que la majorité de ceux qui s’opposent publiquement à la remise de l’Ordre du Canada au docteur Morgentaler sont des hommes catholiques? Pour n’en nommer qu’un, fort représentatif de ce courant, prenons l’exemple de Luc Gagnon, le directeur de la revue Égards. La simple lecture de la déclaration fondamentale dans le site de cette « revue de la résistance conservatrice » nous situe bien le genre d’individus qui l’animent. Catholiques traditionalistes, contre l’avortement et ouvertement homophobes, les arguments religieux et démographiques qu’ils invoquent pour justifier leur position témoignent de la faiblesse de leur réflexion et de leurs limites intellectuelles. En bref, ils veulent « défaire systématiquement l’œuvre meurtrière de la Révolution tranquille ». Rien que ça…

L’Église catholique me semble quant à elle très mal placée pour faire la leçon à qui que ce soit. L’histoire récente du Québec et du Canada est entachée de trop nombreux scandales qui ont jeté le discrédit sur ces apôtres de la bonne nouvelle. Qu’il suffise de rappeler le drame des orphelins de Duplessis et des pensionnats indiens, confiés aux bons soins des communautés religieuses, ou encore la manière dont cette bonne société catholique traitait les « filles-mères » il y a quarante ans à peine, et l’on ne peut faire autrement que de se rendre à l’évidence que ces gens-là « parlent des deux côtés de la bouche ».

Les questions familiales et les choix qui en découlent ne regardent pas l’Église, n'en déplaise à la hiérarchie patriarcale catholique. Les membres du clergé, complètement coupés de la réalité (mais cela n’est pas un phénomène nouveau), n’ont aucune idée de ce qu’est la vie de couple et la famille, pas plus qu’ils ne savent ce qu’est vivre dans le besoin, la très riche Église les en gardant bien à l’abri. Nourris et logés, blanchis et servis, (quelqu’un a-t-il dit « vœu de pauvreté »?), il me semble bien facile de prêcher leur « vérité ».

Le docteur Henry Morgentaler a mené pour les femmes de notre pays un combat important. Sa courageuse lutte pour la préservation de la santé et la dignité des femmes l’a conduit en prison et a mis sa vie en danger à maintes occasions. Mais sa persévérance a permis la décriminalisation de l’avortement et mis fin aux interruptions de grossesse clandestines.

Aujourd’hui, comme bien des gens de notre génération, loin du dogme religieux de notre enfance, nous inculquons à notre fille des valeurs humanistes, d’ouverture sur le monde, de compassion, de respect de soi et de l’autre dans tout ce que cela veut dire de diversité et de différence. Parce que nous voulons qu’elle devienne une citoyenne à part entière, libre et capable de se forger sa propre opinion sur le monde dans lequel elle vit. Évidemment, je ne retrouve plus aucune de ces valeurs dans le discours des représentants de la droite religieuse, ces mêmes militants « pro-vie » qui qualifient l’avortement de meurtre, mais qui du même souffle n’hésitent pas à se dire en faveur du rétablissement de la peine de mort. Comme quoi les Tartuffes ne sont pas tous chez Molière et la réalité dépasse encore une fois la fiction.

Quand tous ceux qui s’indignent aujourd’hui de la récompense accordée à Henry Morgentaler se seront mis au travail sans compter pour aider les enfants et les familles dans le besoin, quand ils auront dépenser temps, argent et énergie pour rendre la vie plus douce à tous ceux qui ont été victimes des abus perpétrés par des membres des communautés religieuses en qui ils avaient mis toute leur confiance, alors peut-être pourrons-nous les écouter sans suspicion, sans mépris et sans colère. Mais à en juger par l’un des principes prônés par la revue Égards, « La conviction qu’une société civilisée exige des ordres et des classes et le rejet de la notion absurde de " société sans classes " », on voit bien que ce ne sera pas pour demain.

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