mardi 28 octobre 2008

Une présidente dans la famille

Ces dix derniers jours, la maisonnée a vibré au rythme d’une autre campagne électorale pour laquelle Sylvie et moi avons joué les rôles d’organisateurs, de bénévoles, de stratèges et d’agents autorisés. Un projet nettement plus intéressant que la récente campagne fédérale.

Résultat du scrutin hier après-midi, à 16 h, dans le groupe 116 du Collège Saint-Alexandre de la Gatineau : pour notre plus grand bonheur (et le sien, surtout!), Léa a été élue présidente de sa classe.

Elle a mené une campagne positive, présenté des projets culturels et écologiques originaux et réalisables et pris un engagement politique rassembleur. En outre elle a livré un message clair en utilisant le courriel et en misant sur le bouche à oreille. Son travail sur le terrain a été exemplaire et la voilà donc récompensée par une élection qui lui tenait à cœur. Et l'un de ses trois adversaires, beau joueur bien que battu par une mince majorité, s'est fait élire à la vice-présidence.

Bien fier de ma fille de douze ans, ces jours-ci. Je me dis que certains politiciens devraient s'inspirer de ces jeunes démocrates!

jeudi 23 octobre 2008

Traduit de l’américain

Entre deux contrats de traduction et deux projets de rénovation, je retourne par bribes à la lecture. En ces temps occupés, je préfère de loin les fragments de textes au très bon mais interminable Millenium, par exemple.

Ces jours-ci, je lis l’essai de René Lapierre intitulé Écrire l’Amérique (Les Herbes Rouges, 1995) que Jean Pierre (Girard) m’a prêté lors d’un voyage court mais mémorable à Paris, il y a quelques années. L’exemplaire, annoté à l’encre rouge par les pattes de mouches du professeur, a de toute évidence trempé dans l’eau d’un bain. Il a vécu, comme on dit.

Dans le fragment « Traduit de l’américain », Lapierre réfléchit à la traduction en prenant prétexte des nouvelles de Raymond Carver. Une amorce de réflexion stimulante, pour le traducteur et le lecteur toujours hérissé que je suis par la version française des romans de Paul Auster dans lesquels on nous sert des termes de base-ball à la sauce parisienne ou par, la très mauvaise traduction de Beautiful Losers, de Leonard Cohen. (Michel Garneau se serait d’ailleurs mis à la traduction des poèmes de son vieil ami parce qu’il avait été ahuri lui aussi par la piètre qualité des Perdants magnifiques!?!.) «Traduire, cela ne suffit pas; il faut encore le retrouver, l’écrire au fond de soi-même », conclut René Lapierre.

Lire dans le texte, donc, serait la solution. Et je m'y adonne désormais presque sans exception. Mais le défi posé par la traduction est pour le traducteur un aussi puissant appel qu’une équation complexe pour le mathématicien. Rien de logique dans sa résolution, cependant. Sinon la certitude qu’on a trouvé la manière de rendre les mots, le sens, le rythme et, surtout, l’intention. Bref qu’on a rendu ce qui venait du fond des choses.

Ces jours-ci, je m’attaque à la traduction d’une pièce de théâtre. Avec l’espoir que cela me ramènera à l’écriture. J’y reviendrai.

mardi 21 octobre 2008

Attention aux vieilles grand-mères

Samedi, je suis sorti avec ma fille et deux de ses amies. Nous sommes allés au théâtre de ma blonde, pour la dernière d’une pièce de Norm Foster dans laquelle jouait une bonne amie. Nous avions 3 billets de côté, mais une amie s’est rajoutée à la dernière minute. Et je ne connaissais pas la personne au guichet, alors pas question de lui servir « Je suis le chum de la directrice artistique. Est-ce que je peux avoir un autre billet? »

En arrivant au théâtre, donc, nous avons été accueillis par quelques fumeurs et par une dame fin soixantaine qui nous a proposé avec empressement ses billets. « J’ai deux billets à vendre. J’ai un empêchement et je ne peux assister à la pièce ». Je me suis dit que la pauvre dame était mal prise et je lui ai acheté un billet (« je vous le fais à vingt dollars plutôt qu’à vingt-cinq »).

Une fois à l’intérieur, j’ai regardé de près mon billet. Il portait la mention « promo » et affichait un coût exorbitant de (je vous le donne en mille) 0,00 $. Une paire de billet gagnée à la radio, m’a-t-on dit par la suite.

Alors les amis, attention aux scalpers. Surtout quand il s’agit d’une vieille grand-mère…

vendredi 17 octobre 2008

Lendemains d’élection

Longue soirée prévisible (les dizaines de sondages et les centaines d’interventions des analystes de tout acabit nous avaient donné, à peu de sièges près, les résultats), même si je me suis pris à croire, comme quand j’étais enfant, qu’il me serait possible de changer les choses grâce à la seule force de la pensée. Cela m’arrive encore parfois lorsque je regarde un film que j’ai déjà vu; je me mets à rêver que le scénario prend une autre direction et que le destin de tel ou tel personnage change. Mais même dans la fiction, cela n’est pas possible.

Pendant un instant, donc, j’ai espéré que, par une sorte d’appel à la pensée magique, j’arriverais à faire mentir Bernard Derome et son fameux « Radio-Canada prévoit, si la tendance se maintient… » Comme si certaines boîtes de scrutin plus favorables à mes allégeances et convictions n’avaient pas encore été dépouillées. Vous devinez la suite…

En vrac et dans le désordre, quelques moments qui m’ont procuré une bonne dose de plaisir que je n’ai pas boudé : les défaites de Claude Carignan (Rivière-des-Mille-Îles), Luc Harvey (Louis-Hébert) et Michael Fortier (Vaudreuil-Soulanges). D’abord parce que je suis en total désaccord avec le fait qu’un élu municipal (Carignan est maire de Saint-Eustache) puisse briguer les suffrages à un autre ordre de gouvernement sans d’abord démissionner de son poste actuel. Idem dans la circonscription de Gatineau, où le candidat conservateur Denis Tassé (qui est aussi conseiller municipal) a terminé quatrième.

Ensuite, parce qu’il est agréable de constater que les deux autres, Harvey et Fortier, ont payé pour l’arrogance et le mépris qu’ils ont affiché pendant la campagne à l’égard d’un grand nombre de leurs concitoyens. Parlant du candidat défait dans Louis-Hébert, il épanchait mercredi sa déception en brandissant des menaces de poursuites contre son adversaire bloquiste vainqueur de l’élection et, du même souffle, annonçait qu’il était tenté par un poste au conseil municipal de Québec…

Enfin, la machine électorale adéquiste que Mario Dumont et ses apôtres ont mis à la disposition du parti conservateur a connu de grandes ratées (ça aussi, ça m’a fait glousser de plaisir). Le PCC devrait mieux choisir ses partenaires au Québec. Ce serait faire preuve d’un plus grand respect pour l’intelligence des Québécois, qui ont donné une sixième majorité de députés d’affilée au Bloc québécois. Qu’on soit bloquiste ou pas, on ne peut remettre en question la pertinence d’un parti qui remporte les deux tiers de la députation québécoise. Pas plus qu’on ne peut nier le message que nous envoient les Albertains (27 circonscriptions conservatrices sur 28). Deux vagues bleues que tout oppose.

Quelques trucs consternants, aussi : la réélection de Josée Verner qui, en entrevue avec Céline Galipeau après sa victoire, nous a encore montré son peu d’éloquence (j'espère que le premier ministre ne la nommera pas au Patrimoine...), celle de Maxime Bernier (doit-on vraiment en rajouter?), l’élection de Justin Trudeau, dans Papineau (vraiment, I can not croire que ce type completely déconnecté a été elected to the parlement of Canada pour représenter the poor constituents de Papineau ) et les chroniques de Vincent Marissal, qui devrait prendre des vacances sans quoi je finirai bien par me désabonner de La Presse.

mercredi 15 octobre 2008

Fulgurance

Lundi, jour de l’Action de grâce, l’acteur français Guillaume Depardieu a rendu l’âme, foudroyé par une pneumonie. Il avait 37 ans. Sa mort m’a attristé. Je me suis rappelé son rôle dans Tous les matins du monde, d’Alain Corneau (1991), mais surtout celui dans Les Apprentis, de Pierre Salvadori (1995) pour lequel il avait été récompensé d’un César (meilleur espoir masculin). Et personne n’oubliera sa performance dans Aime ton père, de Jacob Berger (2002), dans lequel il jouait le fils d’un monstre sacré de la littérature interprété par son propre père, Gérard Depardieu. Un film comme un cri du cœur, où la fiction arrachait à la réalité des moments de vérité comme des lambeaux de peau.

Du jeune premier au visage angélique de Tous les matins du monde au clochard de Versailles, qui sortira bientôt sur nos écrans, Guillaume Depardieu portait sur son visage et son corps les marques des excès d’une vie torturée. Et j’ai pensé à Duras, qui écrivait dans L’Amant ce passage qui m’avait tellement bouleversé : « Maintenant je vois que très jeune, à dix-huit ans, à quinze ans, j’ai eu ce visage prémonitoire de celui que j’ai attrapé ensuite avec l’alcool dans l’âge moyen de ma vie. L’alcool a rempli la fonction que Dieu n’a pas eue, il a eu aussi celle de me tuer, de tuer. Ce visage de l’alcool m’est venu avant l’alcool. L’alcool est venu le confirmer. »

Les grands destins tragiques fascinent.

Je nous souhaite que la fulgurance ne s’abîme pas dans l’oubli.

mardi 14 octobre 2008

L'art d'être humain

Le voici, ce poème sur Hugo écrit pour les Cahiers du Centre national des arts, en 2002. Le côté politique et politisé de la vie de ce bon vieux Victor me semble tout à fait dans le ton, en ce jour de scrutin.

***

Tu te dresses
comme un arbre immense
dans le terreau des Lettres
et de l’Humanité

Personne n’a oublié ta tête de géant
qui regardait son peuple
par-dessus la Manche
suivre la voie
que tu avais rêvée

Il n’y a pas un lieu
dans ce Paris d’aujourd’hui
qui ne nous rappelle à toi
au souvenir d’un homme
qui traverse les siècles
le corps cousu de mots

Je me suis arrêté
au 21, rue de Clichy
devant la porte verte
j’ai songé un instant à y frapper
pour voir si tu me répondrais
et si tu m’inviterais
dans un de tes romans

J’ai vu le Panthéon
où reposent tes cendres
et j’ai imaginé la poésie du feu
du grand bûcher
qu’il a fallu construire
pour te réduire en poussière

En route vers les Lumières
j’ai survolé
Jersey et Guernesey
îles des châtiments
miradors de l’exil
où les yeux dans la mer
la chevelure au vent
chaque page écrite de ta main
t’ajoutait une ride

Devant moi tout à coup
Notre-Dame se découpe
dans le ciel
de toutes les révolutions
j’attends l’angélus
immobile sur la place
entouré je le jure
de tes personnages
une belle tzigane
qui me tend la main
un petit homme singulier
qui me demande une clope

J’ai soudain
une pensée pour mon père
qui ne t’avait jamais lu
je revois
la surprise sur son visage
quand je lui ai offert
L’art d’être grand-père
neuf mois avant l’arrivée de Léa
je te parle des miens
pour alléger la douleur de tes pertes
tes enfants emportés
par le fil de la mort
ta femme et ta maîtresse
disparues avant toi
tout cet amour
qui ne suffit pas
à nous rendre éternels

J’écris des poèmes
pour saluer
la mémoire des battants
pour que le sang versé
serve à quelque chose

j’écris des poèmes
pour laisser quelques traces
et pour changer le monde
parce qu’il y a eu
avant moi
des hommes comme toi
bâtisseurs de liberté

lundi 13 octobre 2008

Le grand fossé

Dans un texte publié dans La Presse (Le guichet automatique, le samedi 12 octobre 2008) le chroniqueur politique Jeffrey Simpson réagit à l’élection imminente d’une majorité de députés bloquistes : « La conclusion inévitable doit être qu’une majorité de Québécois francophones n’est pas intéressée à gouverner le Canada. Pour eux, le Canada n’est pas leur pays, mais plutôt une sorte de guichet automatique politique dont ils retirent de l’argent périodiquement. »

Étrange texte où l’on sent bien tout le désarroi et la frustration de l’auteur, lequel décoche même quelques pointes au gouvernement de Jean Charest. Devant ce constat d’impuissance, que propose donc Jeffrey Simpson? Rien, sinon une boiteuse comparaison hypothétique mettant en scène un « Bloc ontarien ». (Oui, oui, vous avez bien lu!)

Essayer de transposer la situation du Québec à la province voisine, c’est nier la différence québécoise et faire fi de la notion des deux peuples fondateurs si chère à tant de fédéralistes (la seule couture par laquelle ce pays tient encore ensemble).

Jeffrey Simpson nous avait habitués à plus de rigueur. Il faudrait peut-être lui rappeler que les contribuables québécois participent eux aussi à la caisse de l’Agence du revenu du Canada. Et qu’ils s’en trouvent (l’auteur de ces lignes, notamment) pour considérer indécent que les fonds publics soient ponctionnés pour subventionner les richissimes pétrolières de l’Ouest.

Rendre grâce

J’aime l’idée de réunir la famille et les amis autour d’une table pour célébrer la vie et ce qu’elle a de meilleur à offrir. Prendre le temps de préparer un repas pour remercier la terre et ses artisans de l’abondance que nous tenons trop souvent pour acquise. Transformer le labeur en plaisir. Donner sans rien attendre en retour.

C’est le concept des Donneurs, foyers d’écriture publique créés en 2001 par mon ami Jean Pierre Girard. Cette année, l’événement aura lieu les 7 et 8 novembre. Je n’y serai pas, chasse au chevreuil oblige. Mais si vous passez par Joliette, dans la splendide région de Lanaudière, ne manquez pas ça : cinquante écrivains répartis dans la ville et une conférence sur la dignité. Bref, la générosité dans une de ses fort belles incarnations.

dimanche 12 octobre 2008

Rimbaud l'immesurable

Un poème hommage publié en septembre 2004 dans les Cahiers du CNA, à l'invitation de Paul Lefebvre, l'adjoint du directeur artistique de l'époque. Paul m'avait aussi commandé un texte sur Victor Hugo, paru en 2002. Je le mettrai en ligne si je le retrouve.

***

L'immesurable

« Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux.
— Et je l’ai trouvée amère.
— Et je l’ai injuriée. »
Une saison en enfer

Il n’y a rien à chercher dans la vie des poètes
Ni révélations ni illuminations
Ni tempêtes ni raz-de-marée
Tout cela qui ne procède que du texte

Tu le savais sans doute
Toi dont la fulgurance n’était
Qu’une manière de génie
Celle d’un homme qui vit se consume
Et meurt à son heure

Je n’éprouve pas de regrets
Pour cette existence
d’après la poésie

Touché par la grâce du silence
Tes faits d’encre étaient déjà
Par devant ta mort
Un legs à l’humanité

Te relisant aujourd’hui
Je suis d’abord saisi
par la liberté du vers
et le panache des titres

J’arrache une à une
Les pages de la préface
Les notes de fin de volume
Je m’emploie à rayer
Ce qui dénature l’œuvre

Sur une couverture
La photo d’un enfant
Sorte de trinité romantique
Pour capturer l’esprit
Mettre un visage sur un nom
S’adonner à la futilité

Je ne saurai jamais
Cette urgence
Cette brûlure au cœur
Je me l’imagine
Et c’est assez
La douleur se résorbe
La gorge s’assèche
Une douce bruine
Fait renaître les fleurs

Tu te tiens sous la pluie
Ton travail achevé
Tu regardes vers le ciel
Il fait beau quelque part
Tu refermes la porte
Boucles tes bagages
Une autre vie t’attend

Une autre vie qui ne nous appartient pas

samedi 11 octobre 2008

je n'écrirai plus de poèmes d'amour

je n'écrirai plus de poèmes d'amour
j'écrirai sur les arbres et les oiseaux
sur le vent qui balaye la chambre
qui emmêle les rideaux et les draps

sur les enfants à nos trousses
et la vélocité du désir
qui avale la distance

je n'écrirai plus de poèmes d'amour
j'écrirai sur les deuils et les naissances
sur ce qu'il y a entre

cet espace que nous habitons
ce lit d'océan
d'où nous refaisons surface
cette maison construite de tes mains
où tu nous sers le vin

je n'écrirai plus de poèmes d'amour
j'écrirai sur le grain de ta peau
sur la courbe de la lumière
dans l'épiphanie

sur la pluie qui retient
entre ses doigts
le visage du monde

la parole s'installe

des deux côtés d'une table branlante
le geste et le regard se précisent
le rouge à lèvres sur le verre
comme une procession de baisers
l'appel de l'escalier
la musique de l'étage
qu'il nous faut rejoindre

rien ne commence là où on le croit

je n'écrirai plus de poèmes d'amour
j'écrirai dans le jardin
une fable portée par nos corps
au goût de terre
d'avant la terre

un bruissement de cartilages et de fleurs

comme un oiseau
au-dessus de la braise

vendredi 10 octobre 2008

Cortège funèbre sous le chapiteau

Mardi dernier, nous sommes allés en famille voir Corteo à Ottawa. Et j’ai retrouvé le temps du spectacle mon cœur et mes yeux d’enfant. Deux heures de pur plaisir et d’émerveillement avec ma fille et ma blonde. Dirigé de main de maître par Daniele Finzi Pasca, celui-là même qui avait écrit, mis en scène et interprété l’extraordinaire Icaro, que Sylvie avait invité au Théâtre du Nouvel-Ontario, Corteo puise dans les éléments du cirque traditionnel et des arts de la rue pour raconter la vie d’un clown mort. Moi qui n’ai jamais aimé le cirque, je dois avouer que ma première expérience au Cirque du Soleil m’a fait changer d’idée. Le clou de la soirée? Le bonheur évident de Léa, douze ans, assise entre nous, qu'elle a su saisir à bras le corps.

jeudi 9 octobre 2008

Me, Mon & Morgentaler

Une lettre aux journaux écrite au début de juillet 2008, après l'annonce de la remise de l'Ordre du Canada au Dr Henry Morgentaler et en réponse à l'hystérie de la droite religieuse. Aucun journal ne l'a publiée. La voici donc dans son intégralité, au lendemain de la remise de la médaille à celui qui a fait en sorte que les femmes puissent être traités dignement et n'aient plus à mettre leur vie en péril inutilement. Un bon mot pour la Gouverneure générale, qui n'a pas fléchi devant le tollé et les renvois de médailles, notamment celle de Jean-Claude Turcotte, l'archevêque de Montréal, qui, par conviction, ne pouvait accepter de faire partie du même club sélect que Morgentaler. C'est ce même Mgr Turcotte qui, à peu près au même moment, a accordé une bourse d'étude de 20 000 $ à l’abbé Philippe de Maupeou, condamné à six mois de prison (avec sursis!) pour avoir agressé sexuellement une petite fille de 8 ans, en 2002, pour qu'il puisse entreprendre des études en droit canonique. C'est vrai que c'est toujours commode d'avoir un « avocat » sur sa liste de paie! (Que de mauvaise foi...)

***

Morgentaler et les donneurs de leçons

La remise de l’Ordre du Canada au docteur Henry Morgentaler fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis le début du mois. Le courrier des lecteurs des grands quotidiens, les tribunes téléphoniques et les bulletins de nouvelles radiophoniques et télévisés nous rapportent sans relâche les réactions épidermiques de nombre de nos concitoyens.

Je m’étais bien promis de ne pas prendre position sur le sujet, préférant laisser aux femmes le soin de le faire, mais devant la déferlante d’appels à la morale, les risibles renvois de médailles de l’Ordre du Canada à Rideau Hall et la levée de boucliers du très puissant lobby de la droite religieuse, je ne peux pas faire autrement que d’opposer ma voix à celle de tous les bigots qui nous rebattent les oreilles avec leurs discours rétrogrades et hypocrites et qui profitent de toutes les occasions pour faire avancer la cause conservatrice.

Doit-on s’étonner du fait que la majorité de ceux qui s’opposent publiquement à la remise de l’Ordre du Canada au docteur Morgentaler sont des hommes catholiques? Pour n’en nommer qu’un, fort représentatif de ce courant, prenons l’exemple de Luc Gagnon, le directeur de la revue Égards. La simple lecture de la déclaration fondamentale dans le site de cette « revue de la résistance conservatrice » nous situe bien le genre d’individus qui l’animent. Catholiques traditionalistes, contre l’avortement et ouvertement homophobes, les arguments religieux et démographiques qu’ils invoquent pour justifier leur position témoignent de la faiblesse de leur réflexion et de leurs limites intellectuelles. En bref, ils veulent « défaire systématiquement l’œuvre meurtrière de la Révolution tranquille ». Rien que ça…

L’Église catholique me semble quant à elle très mal placée pour faire la leçon à qui que ce soit. L’histoire récente du Québec et du Canada est entachée de trop nombreux scandales qui ont jeté le discrédit sur ces apôtres de la bonne nouvelle. Qu’il suffise de rappeler le drame des orphelins de Duplessis et des pensionnats indiens, confiés aux bons soins des communautés religieuses, ou encore la manière dont cette bonne société catholique traitait les « filles-mères » il y a quarante ans à peine, et l’on ne peut faire autrement que de se rendre à l’évidence que ces gens-là « parlent des deux côtés de la bouche ».

Les questions familiales et les choix qui en découlent ne regardent pas l’Église, n'en déplaise à la hiérarchie patriarcale catholique. Les membres du clergé, complètement coupés de la réalité (mais cela n’est pas un phénomène nouveau), n’ont aucune idée de ce qu’est la vie de couple et la famille, pas plus qu’ils ne savent ce qu’est vivre dans le besoin, la très riche Église les en gardant bien à l’abri. Nourris et logés, blanchis et servis, (quelqu’un a-t-il dit « vœu de pauvreté »?), il me semble bien facile de prêcher leur « vérité ».

Le docteur Henry Morgentaler a mené pour les femmes de notre pays un combat important. Sa courageuse lutte pour la préservation de la santé et la dignité des femmes l’a conduit en prison et a mis sa vie en danger à maintes occasions. Mais sa persévérance a permis la décriminalisation de l’avortement et mis fin aux interruptions de grossesse clandestines.

Aujourd’hui, comme bien des gens de notre génération, loin du dogme religieux de notre enfance, nous inculquons à notre fille des valeurs humanistes, d’ouverture sur le monde, de compassion, de respect de soi et de l’autre dans tout ce que cela veut dire de diversité et de différence. Parce que nous voulons qu’elle devienne une citoyenne à part entière, libre et capable de se forger sa propre opinion sur le monde dans lequel elle vit. Évidemment, je ne retrouve plus aucune de ces valeurs dans le discours des représentants de la droite religieuse, ces mêmes militants « pro-vie » qui qualifient l’avortement de meurtre, mais qui du même souffle n’hésitent pas à se dire en faveur du rétablissement de la peine de mort. Comme quoi les Tartuffes ne sont pas tous chez Molière et la réalité dépasse encore une fois la fiction.

Quand tous ceux qui s’indignent aujourd’hui de la récompense accordée à Henry Morgentaler se seront mis au travail sans compter pour aider les enfants et les familles dans le besoin, quand ils auront dépenser temps, argent et énergie pour rendre la vie plus douce à tous ceux qui ont été victimes des abus perpétrés par des membres des communautés religieuses en qui ils avaient mis toute leur confiance, alors peut-être pourrons-nous les écouter sans suspicion, sans mépris et sans colère. Mais à en juger par l’un des principes prônés par la revue Égards, « La conviction qu’une société civilisée exige des ordres et des classes et le rejet de la notion absurde de " société sans classes " », on voit bien que ce ne sera pas pour demain.

mercredi 8 octobre 2008

Les conservateurs perdent des plumes

Le moins que l'on puisse dire, c'est que les choix politiques des habitants de la ville de Québec et de ses environs ont de quoi laisser perplexe les gens de bonne volonté. Après avoir élu des députés adéquistes et des conservateurs aux dernières élections provinciales et fédérales, voilà que certains sièges pourraient être repris par le Bloc (sauf peut-être la circonscription de Josée Verner, la consternante ministre du Patrimoine...) La perte de popularité des conservateurs dans les intentions de vote a certainement à voir avec leur arrogance et le mépris qu'ils affichent en refusant de répondre aux journalistes ou de participer aux débats organisés dans les différentes circonscriptions. À moins que ce ne soit en raison des gaffes qu'ils ne cessent de multiplier. Mais cela témoigne aussi de leur outrecuidance (le ministre non élu Michael Fortier qui loue un camion publicitaire pour relancer Gilles Duceppe devant son bureau, Stephen Harper qui dit, en parlant de la crise financière, que c'est le temps d'investir car il y a sûrement de bonnes aubaines sur le marché, pour ne citer que celles-là.)

Chez nous, dans Hull-Aylmer, le candidat du PC, un avocat du nom de Paul Fréchette, a raccroché la ligne au nez de deux journalistes après leur avoir répété son petit laïus appris par coeur (le petit catéchisme de Harper) non sans avoir affirmé — pendant que la crise de la listériose attribuable à Maple Leaf causait plus d'une douzaine de morts — qu'Al-Quaïda pourrait très bien se lancer dans le terrorisme alimentaire...

Rencontré à la porte de l'épicerie (y était-il pour nous protéger des méchants terroristes?), il distribuait ses dépliants en répétant inlassablement « On va gagner ensemble ». Lorsque j'ai poliment décliné la carte postale à son effigie qu'il me tendait et que je lui ai demandé si le fait de refuser de participer à des débats était une consigne de son chef, il m'a répondu « Quel chef ?» avant de me tourner le dos. Cela n'a fait que me confirmer que ce libéral fraîchement défroqué espérait, comme tant d'autres candidats, profiter de la vague conservatrice annoncée. J'ai eu le même sentiment aux dernières élections provinciales. De trop nombreuses personnes ont profité du mécontentement ambiant pour se faire élire en ayant si peu à offrir que c'en est désolant.

Après deux projets de loi hallucinés (l'imbuvable c-10 qui pavait la voie à la censure des oeuvres cinématographiques jugées « contraires à l'ordre public » et c-484 sur les enfants non encore nés victimes d'actes criminels qui aurait pu rouvrir le débat sur la légalité de l'avortement) à quand un projet de loi interdisant les charcuteries qui auraient pu être manipulées par des terroristes? En tout cas, j'imagine qu'on pourra continuer de manger du porc sans craindre les talibans.

Bref, on verra dans quelques jours si je me réconcilie avec les gens de la vieille capitale ou si, comme l'écrivait Helene Jutras en 1995 dans son brûlot, « le Québec me tue ». En attendant, je me prépare un bon sandwich au salami slovaque, directement de chez Alpina.