vendredi 25 septembre 2009

Sur la mort de Nelly Arcan

J'ai appris la mort de Nelly Arcan sur le site Web de Radio-Canada. L'auteure de Putain et de Folle se serait suicidée. Son dernier livre, Paradis clef en main paraîtra à titre posthume aux éditions Coup de tête.

Je ne connaissais pas personnellement Nelly Arcan et je dois dire qu'elle me tombait un peu sur les nerfs quand je l'entendais se donner un faux accent français. Mais j'aimais lire ses chroniques et, surtout, ses livres. Elle avait un indéniable talent.

En pensant à elle, ce matin, morte trop tôt à un âge où la vie se prépare à vous donner ce qu'elle a de meilleur (elle avait 35 ans), j'ai ressorti cette bribe d'un essai (thèse) en préparation (Postures et impostures):

« Dans quelle mesure ma modeste contribution d’écrivain changera-t-elle le cours des choses, combattra-t-elle l’inanité de la vie telle que je la ressens, la mienne d’abord ? Connaissant la réponse, je persiste et signe néanmoins. Aveu d’espoir, acte de foi ou volonté de donner le bénéfice du doute à l’irrationnel ? On se raccroche à ce qu’on peut. Et l’on reporte l’option du suicide. »

Requiem in pace.

mercredi 16 septembre 2009

Conter ses morts

C'était en 1998. Nous étions au Festival des francophonies en Limousin, à Limoges, en France, avec une délégation de directeurs artistiques de l'Association des théâtres francophones du Canada (ATFC). Au programme, après une interminable cérémonie d'ouverture comme seuls les Français en ont le secret (le maire, qui était aussi préfet, si je me souviens bien, nous avait dit, et ce n'était pas une blague! : « Comme j'occupe deux fontions, vous me permettrez de vous entretenir deux fois longtemps » (si bien que les petits fours étaient impropres à la consommation après son discours)), nous avions assisté à quelques coproductions France-Afrique de peu d'intérêt, à des lectures et à de sympathiques entretiens menés par l'éditeur belge Émile Lansman. Puis il y avait ce spectacle de plus de 3 heures qui nous avait complètement renversés, autant que nous étions.

La première mouture de Littoral, créée l'année précédente au Festival de théâtre des Amériques, avec une distribution exceptionnelle qui mettait notamment en vedette Gilles Renaud, dans le rôle du père, Steve Laplante dans le rôle de Wilfrid et Isabelle Leblanc dans le rôle de Simone, et en tournée européenne cette année-là, nous avait laissé émus, vidés de nos peines, estomaqués et avait sauvé le festival.

Nous avons eu l'occasion de rencontrer Wajdi Mouawad et son équipe (dont David Boutin que j'ai connu à l'Université d'Ottawa) autour d'une table de billard, le lendemain, au bar Le Gousset, chez Edgar Flamand et Danie Chérie, les sympathiques propriétaires du quartier général des festivaliers qui souhaitaient étirer la nuit.

Sylvie et moi gardons un impérissable souvenir de cette représentation de Littoral. Il s'était passé ce soir-là ce que nous allons chercher – mais que nous ne trouvons que rarement – au théâtre : l'expression de notre humanité.

C'est pour cela que je tenais à offrir à ma grande Léa et à deux de ses amies, Catherine et Monica, l'occasion de voir cette pièce importante du répertoire moderne. C'est donc accompagné de trois ados de 13 ans que j'ai assisté à cette nouvelle mouture de la pièce qui a lancé Mouawad et qui réunit une fois de plus une solide distribution québéco-française : Jean Alibert (remarquable dans son rôle du chevalier Guiromelan), Tewfik Jallab (Amé), Catherine Larochelle (Simone), Patrick Le Mauff (ancien directeur du Festival de Limoges qui incarne ici avec force le personnage du père), Marie-Ève Perron (Joséphine), Lahcen Razzougui (Massi), Emmanuel Schwartz (qui reprend le rôle de Wilfrid avec intelligence) et Guillaume Séverac-Schmitz (Sabbé).

J'en suis ressorti heureux, ébloui par cette histoire toute simple d'un jeune homme qui porte sur son dos le cadavre de son père à la recherche d'un lieu pour l'enterrer dans son pays natal, ravagé par la guerre. Sur sa route, il rencontrera des compagnons et compagnes d'infortune qui feront le périple avec lui jusqu'à ce qu'il trouve enfin le lieu du dernier repos. Cette quête d'identité, cette démarche pour donner un sens à leur vie et panser leurs blessures est un extraordinaire exercice de mémoire. Une métaphore qui a alimenté la discussion sur le chemin du retour et qui continuera de soulever des questions, autant dans la tête de ma fille que dans la mienne. Une oeuvre d'une richesse et d'une intensité rares, portée par une voix qui fera époque.

vendredi 11 septembre 2009

Les invasions barbares

J'aurais pu coiffer ce texte du titre de mon carnet du 7 septembre. Huit ans déja que les tours jumelles s'écroulaient en direct.

Le nuage de poussière finira-t-il jamais par se dissiper?

Une pensée pour celles et ceux qui sont allés travailler, ce matin-là, et qui pensaient que le quotidien les ramènerait à la maison en métro, en taxi ou en traversier, sur l'autre rive de l'Hudson.

Une pensée aussi pour ceux et celles, simples civils, qui sont tombés sous les bombes de l'Occident.

Les amis de W. appellent cela des « dommages collatéraux ».

lundi 7 septembre 2009

La fête triste

C'était le milieu des années 80. Nous écoutions Joy Divison, The Cure, Siouxsie and the Banshees et des groupes dont les album vinyles nous arrivaient en importation chez Dutch'ys (la cave du disque), rue Saint-Laurent. à Montréal. Mon vieux chum Alex et moi nous y rendions pour acheter des disques de Sinead O'Connor, de Front 242 et de Trisomie 21. Cold wave, alternatif, techno, je ne sais plus quelle étiquette leur accoler.

Quoi qu'il en soit, T21 venait de lancer cette pièce instrumentale que j'ai fait jouer en boucle pendant des mois et que j'ai retrouvée, il y a quelque temps et que je me repasse assez souvent : La fête triste.

C'est en écoutant cette pièce que j'ai appris ce matin la mort de deux autres soldats de la base de Valcartier à Kandahar, à moins d'un mois de la fin de leur mission. Encore une fois, le drapeau canadien est en berne.

J'adresse une question à nos politiciens fédéraux, à l'aube d'une nouvelle campagne électorale :

Vous engagez-vous, oui ou non, à rapatrier les troupes canadiennes si vous êtes élus et que vous formez le prochain gouvernement?

jeudi 3 septembre 2009

(Claude) Robinson ou les limbes du droit d'auteur

La semaine dernière, le dessinateur et auteur Claude Robinson a enfin remporté son combat contre Cinar, après une bataille juridique qui aura duré près de quatorze ans. Dans un jugement de 240 pages, le juge Claude Auclair, de la Cour supérieure du Québec, accorde 5,2 millions de dollars à l'auteur de Robinson Curiosité, dont l'œuvre a été outrageusement pillée par Cinar, propriété de Micheline Charest, aujourd'hui décédée, et de Ronald Weinberg. RTV, Izard France Animation, Davin et Ravensburger, partenaires de Cinar dans ce scandale, sont aussi cités dans le jugement.

Voici comment la SARTEC (Société des auteurs de radio, de télévision et de cinéma) résume l'histoire : « En 1983, Claude Robinson présente son projet de série télévisée pour enfants Robinson Curiosité à des diffuseurs et à des producteurs. Dans les années qui suivent, le scénariste multiplie les démarches pour voir son oeuvre portée à l'écran, mais en vain. En 1995, Claude Robinson est stupéfait en voyant Robinson Sucroë à la télévision. Il est convaincu d'y reconnaître sa série et envoie, cette année-là, une première mise en demeure à Cinar. »

Il nous faut saluer le courage et la ténacité de Claude Robinson qui, en dépit de la force de la machine qui a cherché à le broyer à grand renfort de mensonges, d'appels et autres recours juridiques, n'a jamais courbé l'échine.

Nous sommes nombreux à avoir cru Claude Robinson dès le moment où il a pris la parole publiquement pour crier au vol. De toute évidence, le personnage central de Robinson Sucroë était plagié sur le Robinson Curiosité créé par le dessinateur de Verdun qui s'était lui-même mis en scène (la ressemblance entre l’auteur et son personnage est telle qu'on ne peut se méprendre). Espérons que le résultat réjouissant de ce combat au long court donnera à Claude Robinson un peu de répit et créera un climat propice à la création.

Avec l'avènement des nouveaux médias, les occasions de bafouer la propriété intellectuelle et le droit d'auteur se multiplient. Il y a quelques semaines, je suis tombé par hasard sur une page de Google Books qui reprend une quinzaine de pages de On Order and Things, la traduction anglaise de mon recueil Du chaos et de l'ordre des choses. Qui leur a permis de reproduire ces passages? Mon éditeur? J'en doute. Mais si c'est lui, ami ou pas, il aura des comptes à me rendre. Si ce n'est pas lui, quels sont mes recours? L'armée d'avocats de Google travaille à la négociation d'une entente forfaitaire qui ne nous laissera à nous, les auteurs, que des miettes.

Et s'il vous plaît, ne me servez pas cette formule toute faite qui nous donne de l'urticaire : « Ça vous donne de la visibilité ». La visibilité ne paie pas le loyer.

mercredi 2 septembre 2009

La course en taxi

J'ai reçu un coup de fil de mon ami Mika, hier après-midi, qui me proposait un coup de main pour ma campagne électorale. J'ai connu Mika au début du nouveau millénaire. Arrivé à Hull avec sa femme et leurs deux enfants au moment où Sarajevo était à feu à sang, Mika (Milobran, de son vrai prénom), conduit un taxi à Aylmer et a longtemps été « mon » chauffeur, avant que je ne m'achète une voiture. Fier de vivre au Québec, reconnaissant de l'accueil qui leur a été réservé ici, du côté de l'Outaouais, Mika et sa femme ont travaillé fort pour apprendre le français (son fils et sa fille l'ont attrapé et n'ont même pas d'accent!) et représentent le parfait exemple d'une intégration réussie.

Chauffeur très populaire dans notre secteur de la ville, il s'est bâti une clientèle enviable par sa gentillesse, sa conversation, sa culture, son réel intérêt pour les gens. Et voilà qu'il m'appelle pour m'offrir son aide: « Je travaille pour toi depuis deux semaines. Je parle de toi à tous mes clients de ton district et j'ai moussé ta candidature auprès des autres chauffeurs». Mika passera boire un espresso bien tassé, aujourd'hui, et nous discuterons stratégie. J'avoue que je n'y avais pas pensé, à celle-là: faire campagne en taxi! C'est fort, très fort!

mardi 1 septembre 2009

Il faut rire

Hier matin, le chauffeur d'autobus a oublié Léa et Charlotte au coin de la rue. Je suis donc allé reconduire les filles qui espéraient, pour cette première journée de cours, arriver à l'heure. Nous avons mis 25 minutes pour parcourir la distance jusqu'au collège et nous en avons profité pour rigoler un peu. Je sais que Léa n'aime pas beaucoup que je fasse le pitre devant ses amies, mais c'est plus fort que moi. Une seconde nature, en quelque sorte, un petit travers que je partage avec mon frère et qui est, en y pensant bien, une manifestation de mon état d'esprit, de ma façon de voir le monde, qui m'aide à évacuer le stress. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », disait Lavoisier.

Je retrouve cette importance de rire chaque fois que Sylvie et moi passons un moment en compagnie de Ghislaine et Pierre. Les grands éclats de rire de ce dernier, remarquables et remarqués, ont un effet d'entraînement et me font chaque fois un bien fou. Alors ces temps-ci, entre le travail et le porte-à-porte électoral (le côté sérieux de la vie), j'ai inscrit à mon agenda cet impératif: « Il faut rire ».