mardi 14 octobre 2008

L'art d'être humain

Le voici, ce poème sur Hugo écrit pour les Cahiers du Centre national des arts, en 2002. Le côté politique et politisé de la vie de ce bon vieux Victor me semble tout à fait dans le ton, en ce jour de scrutin.

***

Tu te dresses
comme un arbre immense
dans le terreau des Lettres
et de l’Humanité

Personne n’a oublié ta tête de géant
qui regardait son peuple
par-dessus la Manche
suivre la voie
que tu avais rêvée

Il n’y a pas un lieu
dans ce Paris d’aujourd’hui
qui ne nous rappelle à toi
au souvenir d’un homme
qui traverse les siècles
le corps cousu de mots

Je me suis arrêté
au 21, rue de Clichy
devant la porte verte
j’ai songé un instant à y frapper
pour voir si tu me répondrais
et si tu m’inviterais
dans un de tes romans

J’ai vu le Panthéon
où reposent tes cendres
et j’ai imaginé la poésie du feu
du grand bûcher
qu’il a fallu construire
pour te réduire en poussière

En route vers les Lumières
j’ai survolé
Jersey et Guernesey
îles des châtiments
miradors de l’exil
où les yeux dans la mer
la chevelure au vent
chaque page écrite de ta main
t’ajoutait une ride

Devant moi tout à coup
Notre-Dame se découpe
dans le ciel
de toutes les révolutions
j’attends l’angélus
immobile sur la place
entouré je le jure
de tes personnages
une belle tzigane
qui me tend la main
un petit homme singulier
qui me demande une clope

J’ai soudain
une pensée pour mon père
qui ne t’avait jamais lu
je revois
la surprise sur son visage
quand je lui ai offert
L’art d’être grand-père
neuf mois avant l’arrivée de Léa
je te parle des miens
pour alléger la douleur de tes pertes
tes enfants emportés
par le fil de la mort
ta femme et ta maîtresse
disparues avant toi
tout cet amour
qui ne suffit pas
à nous rendre éternels

J’écris des poèmes
pour saluer
la mémoire des battants
pour que le sang versé
serve à quelque chose

j’écris des poèmes
pour laisser quelques traces
et pour changer le monde
parce qu’il y a eu
avant moi
des hommes comme toi
bâtisseurs de liberté

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