lundi 15 mars 2010

La responsabilité partagée du patrimoine

Voici la version intégrale du texte qui paraît aujourd'hui dans LeDroit.

***

Après s’être acharné sans succès à tenter d’obtenir un permis pour démolir la maison du gardien du cimetière Notre-Dame, la corporation Les Jardins du Souvenir fait l’objet d’un nouvel article dans Le Droit (11 mars 2010, p. 9) qui nous apprend qu’elle ne compte pas réactiver le dossier de la restauration de la maison avant 2011.

Ainsi donc, selon Roger Gagnon, directeur de la corporation, puisque « rien ne tombe […] on va se donner le temps de réfléchir. » La maison du gardien serait, affirme-t-il, en assez bon état pour « attendre encore cinq ans avant de bouger ». Cela sonne comme un triste air connu. N’est-ce pas, pratiquement mot pour mot, ce que nous répétaient les propriétaires de Chez Henri? Vous me permettrez de m’inquiéter et d’insister sur l’urgence de faire un geste concret.

Contrairement à ce que laisse entendre M. Gagnon, la protection du patrimoine n’est pas l’affaire que de quelques « amants du patrimoine » ou de la ville. En se portant acquéreur du cimetière Notre-Dame, Les Jardins du Souvenir ont aussi acquis la responsabilité et le devoir de protéger l’intégrité patrimoniale de la maison du gardien. L’entêtement de la corporation à refuser de s’en occuper est à n’y rien comprendre. Pourtant, son seul nom, Les Jardins du Souvenir, nous semble aller à l’encontre de cette attitude désinvolte à l’égard d’un bâtiment unique de notre patrimoine. Rappelons que l’Inventaire et classement du patrimoine bâti de Gatineau accorde une entrée au cimetière Notre-Dame, acquis par les Oblats en 1872, dans laquelle on affirme, en parlant de la maison, que « sa rareté et sa fonction lui confèrent une valeur patrimoniale supérieure ».

La Ville de Gatineau a joué le rôle qu’on attendait d’elle en refusant trois fois plutôt qu’une la démolition de la maison. Il faut l’en féliciter. Elle doit maintenant procéder, dans les meilleurs délais, à la citation de l’ensemble du cimetière, incluant la maison du gardien, le charnier et l’arche.

Il importe de préciser qu’aux 25 000$ offerts par le programme de subvention municipal, il faudra ajouter l’admissibilité au programme d’aide du Fonds du patrimoine culturel québécois du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine dont peut déjà se prévaloir Les Jardins du Souvenir. Cette admissibilité a été rendue possible grâce à l’inclusion de la propriété du 75, boulevard Fournier au Programme particulier d’urbanisme (Modification du règlement 518-1-1- 2009). Ce geste de la Ville confère à la maison du gardien la même valeur juridique que la reconnaissance d’une citation d’un bien patrimonial.

J’aimerais aussi rappeler à Monsieur Gagnon, qui affirme que « la ville y pensera à deux fois avant de citer la maison du gardien, puisqu’elle se retrouvera ensuite dans l’obligation d’investir pour la maintenir en bon état » que le projet de loi 82 (Loi sur le patrimoine culturel) déposé par la ministre St-Pierre le 18 février 2010 est très clair à cet égard. L’article 26 prévoit en effet que Tout propriétaire d'un bien patrimonial classé doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la préservation de la valeur patrimoniale de ce bien. En outre, l’article 205 stipule que Tout intéressé, y compris une municipalité […] peut également obtenir de la Cour supérieure une ordonnance pour faire exécuter les travaux nécessaires pour assurer la préservation de la valeur patrimoniale d'un bien patrimonial cité dont le propriétaire ne respecte pas le devoir qui lui incombe en vertu de l'article 136.

La ville a un rôle à jouer dans la préservation de ce qu’il nous reste de patrimoine. En citant la maison du gardien, elle permettra à la corporation d’avoir accès à d’autres sources de financement. Lorsque cela sera fait, la corporation Les Jardins du Souvenir ne pourra plus se défiler et devra se conformer à la nouvelle Loi sur le patrimoine culturel en restaurant ce bâtiment qui ajoutera, c’est mon humble avis, à la richesse du lieu.

C’est une question d’honneur et un devoir de mémoire.


Stefan Psenak

Conseiller municipal du District d’Aylmer
Président de la Commission des arts, de la culture, des lettres et du patrimoine

Aucun commentaire: